Oui, cet oiseau mythique fait tourner les têtes, et en premier lieu la mienne. Dans ce coin des Landes où se mêlent pins, fougères, hêtres, chênes et châtaigners, mon cœur et mon esprit vont vers elle. Cette chasse fabuleuse, cette conquête que l'expérience ne fait pas rendre plus aisée, nous y allons chaque année. Certes, avec conviction, mais toujours dans le doute car la bécasse ne s'offre pas facilement. Alors, d'un pas décidé pour le chasseur que je suis, et dans la quête folle pour mes deux petites, les cloches raisonnent dans ces pentes du Sud des Landes, à la frontière des Pyrénées que l'on aperçoit en fond.
Quelle douce mélodie ! Une mélodie qui ne s'apprécie, dans ce cas précis, encore plus que lorsqu'elle s'arrête. Après une demi-heure de marche à bon rythme, les cloches se taisent d'un coup sec, sans prévenir ! C'est à ce moment précis que mon cœur s'emballe ! Un arrêt ! Les chiennes sont sur une piste ! La recherche de mes belles commence, et il ne faudra pas longtemps pour que j'aperçoive les deux korthals figées comme des statues après une course effrénée. L'une derrière l'autre, la concentration est là. Et je descends vers elles, enjambant les fougères roussies par l'automne. D'un pas léger malgré tout, je les préviens de mon arrivée pour éviter tout faux départ. À mon passage, Naizu a droit à une caresse, puis je me dirige vers Loxa, bloquée deux mètres devant.
Elle se tient là comme un bâton, comme une branche qui serait tombée après un dernier coup de vent d'Ouest un peu plus tôt dans la saison. J'ai confiance en elle et cherche à détecter la présence de l'oiseau sur le sol. Rien n'y fait, le mimétisme avec la végétation est parfait. Une petite poussée à l'arrière de la tête de Loxa déclenche un coulé... J'en profite aussi pour faire remonter Naizu, plus prompte à avancer. Pour autant, arrivée au niveau de Loxa, elle se fige et ne bouge plus. Je passe alors devant. Un pas, suivi d'un autre.. Et, sans prévenir, un fracassant bruit s'élève des fougères ! La bécasse s'extrait à toute vitesse. Dans un basculement improbable, elle me force presque à baisser la tête ! Car oui, la mordorée me fonce littéralement dessus et ne tente aucune courbette pour m'éviter ! Cette sorcière des bois tente l'impossible et s'échappe de la plus belle des manières ! Quelle image, quelle scène, quelle sensation ! Une fois de plus, la bécasse aura répondu à toutes mes attentes, à toutes nos attentes, chasseurs passionnés que nous sommes. Un vrai gibier sauvage, capable d'exploits, de prouesses et non dénué de courage. Merci pour cette expérience, merci pour ce moment ! À bientôt très chère, quelque part dans les fougères".